Jeff Bezos, le patron fondateur d’Amazon, a publié sa lettre annuelle aux actionnaires, dans laquelle il dévoile la façon dont il établit sa culture de « standards élevés » :
Alors qu’Amazon avait pâti d’une mauvaise publicité ces derniers mois sur les méthodes de management particulièrement dures des équipes, son CEO fondateur, Jeff Bezos, a trouvé bon de mettre les points sur les i. Dans sa lettre annuelle aux actionnaires du groupe, il commence par rappeler qu’Amazon a été classée numéro un de l’indice de satisfaction des consommateurs américains, du même indice britannique ou encore de celui établi par le réseau social professionnel LinkedIn. Et de remercier ses 560 000 salariés, mais aussi ses clients qui, comme il l’admet ironiquement, « sont divinement mécontents. Leurs attentes ne sont jamais statiques – elles augmentent. C’est la nature humaine ». Pour les entreprises donc, il n’y a donc pas d’autre choix que d’innover ou mourir : « Vous ne pouvez pas vous reposer sur vos lauriers. Les clients ne le permettront pas« .
Comment devancer donc ses clients, et leur offrir ce qu’ils ne savent pas encore vouloir consommer ? Plusieurs facteurs jouent selon Jeff Bezos, mais « des standards élevés – déployés largement et à tous les niveaux de détails – en sont une partie importante ». Jeff Bezos s’appuie sur son expérience et aussi sur « des milliards de dollars d’échecs au cours du chemin ». Ces standards ont eux-mêmes plusieurs caractéristiques : en premier lieu, ils doivent être « enseignables », c’est-à-dire qu’une personne peut arriver dans une équipe aux standards élevés et les apprendre simplement grâce à cette exposition (mais la même chose prévaut aussi pour des standards faibles). En outre, ils doivent être limités à un domaine d’expertise, relate le patron d’Amazon, qui se rappelle avoir établi ces standards dans l’invention, le service clients et le recrutement au départ, et a ensuite dû les développer sur tous les aspects opérationnels de l’activité, grâce à ses équipes.
Ensuite, l’homme à la tête d’une fortune estimée à près de 120 milliards de dollars explique comment atteindre ces « hauts standards », via deux étapes : il faut identifier à quoi ressemblent les choses bien faites dans le domaine concerné, et ensuite il faut établir des attentes réalistes sur la complexité de la tâche, et l’ampleur de travail qu’elle représente. Jeff Bezos donne ensuite deux exemples simples, comme celui d’une amie, qui a voulu apprendre à tenir sur les mains et a engagé un coach pour cela. Celui-ci lui a dit que cela prendrait six mois et que les gens qui pensaient y arriver en deux semaines abandonnaient. « Des croyances irréalistes sur l’objectif tuent les standards élevés. Pour y arriver, vous devez concevoir et communiquer proactivement des croyances réalistes sur le degré de difficulté d’un objectif ».
Deuxième exemple : chez Amazon, pas de présentation Powerpoint mais des mémos de six pages et au début de chaque réunion, chacun lit en silence le mémo , afin de se faire une idée de sa qualité. Et il note que « souvent, quand le mémo n’est pas génial, ce n’est pas en raison de l’incapacité de son auteur à identifier le standard élevé, mais plutôt une mauvaise attente ». Pour Jeff Bezos, les meilleurs mémos ont été retravaillés, partagés et améliorés avec des collègues, mis en pause et repris après quelques jours avec un esprit frais. Il doit donc prendre une semaine ou plus. En revanche, les compétences ne sont pas indispensables, en tout cas pas à titre individuel.
Au final, ces standards élevés servent à concevoir de meilleurs produits et services pour les clients, mais pas seulement. « Les gens sont attirés par cela – cela aide pour le recrutement et la fidélité (…) Plus subtil : une culture de standards élevés protège le travail invisible mais crucial qui a lieu dans chaque société. Je parle du travail que personne ne voit, le travail qui est fait quand personne ne regarde. Dans une telle culture, faire bien ce travail est sa propre récompense – c’est ce que cela veut dire d’être un professionnel ». « Nous espérons que cela vous aide aussi », conclut Jeff Bezos, qui montre sa capacité, comme Warren Buffett, à synthétiser les raisons d’une success story extraordinaire, qui a construit un groupe de plus de 750 milliards de dollars de capitalisation boursière. Et qui compte désormais disrupter le secteur de la santé américaine, aux côtés de l’oracle d’Omaha.
Benjamin Leplat (source JDN)